L’arrogance, le fléau des bankrolls

C’est un des grands paradoxes du poker : la plupart des joueurs de renom se retrouvent souvent ruinés. Stu Ungar en est l’exemple le plus célèbre : considéré comme un génie, il avait presque systématiquement besoin d’être financé, et il est mort sans un sou. Comment en est-il arrivé là ? Par arrogance.

L’arrogance est un sentiment de supériorité conscient, ou inconscient, qui se manifeste par une attitude hautaine et présomptueuse, et qui tend à exalter l’importance d’un individu. Le danger de l’arrogance vient de la puissance de ce sentiment de domination, qui peut être fort au point de nier les réalités essentielles du jeu. Un joueur arrogant sera ainsi tenté de surestimer son niveau ou d’ignorer ses propres limitations.

Le fondement du poker, c’est de déterminer des situations avantageuses pour en tirer profit. Certains joueurs appliquent ce principe avec brio aux tables de poker, puis se mettent à dilapider leur argent en jouant à des jeux où ils ne peuvent gagner, comme le craps ou la roulette. Leur soif perpétuelle d’action combinée à leur orgueil les poussent à ignorer les lois des probabilités. Même s’ils ne l’admettront jamais, ils sont, en leur for intérieur, persuadés d’être des joueurs extraordinaires à qui les lois mathématiques ne s’appliquent pas.

L’arrogance pousse aussi de très bons joueurs de tournois à perdre tout contrôle en cash game, où ils peuvent essuyer de très lourdes pertes. Incapables de tirer parti de leurs défaites récurrentes, ils sont convaincus que cette fois-ci est la bonne, celle où, enfin, leur supériorité sera reconnue et récompensée.

Même s’ils ne l’admettront jamais, ils sont, en leur for intérieur, persuadés d’être des joueurs extraordinaires à qui les lois mathématiques ne s’appliquent pas.

MÉFIEZ-VOUS!

Peut-être pensez-vous que ces histoires ne vous concernent pas. Vous gagnez régulièrement et votre bankroll ne fait que grossir depuis des années. Méfiez-vous! Peut-être, par exemple, jouez-vous déjà au-dessus de vos capacités ou envisagez-vous de devenir un professionnel à plein temps? Jouer au-dessus de ses capacités, qu’il s’agisse de son niveau de jeu ou de sa bankroll, est extrêmement fréquent. Vous, moi et bien d’autres, voulons tous croire que nous sommes bien meilleurs que nous ne le sommes réellement.

C’est ce genre d’idées qui nous pousse à jouer contre des joueurs qui nous sont supérieurs ou à des enjeux que nous ne pouvons  nous permettre. Ces deux erreurs vont d’ailleurs de pair : les parties aux enjeux élevés sont celles qui attirent les joueurs les plus coriaces. Surestimer ses compétences conduit à sous-estimer l’argent que l’on doit avoir en réserve.

Cet argent dépend du taux de gain et de la variance. Un joueur qui se risque à jouer à des parties plus difficiles voit généralement son taux de gain baisser et la variance augmenter. Il a donc besoin d’une réserve financière accrue.

Surestimer ses compétences conduit à sous-estimer l’argent que l’on doit avoir en réserve.

AUTRES SYMPTÔMES

Jouer au-dessus de ses moyens ou contre des adversaires plus forts que soi n’est pas le seul symptôme. Notre jeu normal est souvent constitué de quelques bons coups et de beaucoup d’erreurs. Nous avons une fâcheuse tendance à nous rappeler uniquement nos gros bluffs, nos calls héroïques, nos mises de valorisation judicieuses et les gros pots que nous avons remportés. Même les pires bad beats que nous essuyons ne font que renforcer l’illusion de jouer bien mieux que ce qu’indiquent nos résultats.

L’arrogance peut aussi pousser un joueur perdant à ne pas être réaliste sur son niveau de jeu du moment. Au lieu d’avouer qu’il commet trop d’erreurs ou que ses adversaires lui sont supérieurs, il accable la malchance. Ou il refuse d’admettre qu’il est fatigué, qu’il a trop bu ou qu’il n’est pas suffisamment concentré. Personne ne peut déployer constamment son meilleur jeu, ni aux tables de poker ni ailleurs. Il serait présomptueux de prétendre que vous êtes toujours capable de jouer à votre meilleur niveau.

Devenir un professionnel à plein temps est une autre de ces fantaisies motivées par l’arrogance. Bon nombre d’écrivains du poker, dont moi, conseillent plutôt de conserver un emploi régulier. Pour la plupart, les spécialistes avec qui j’en discute – des joueurs qui ont gagné de multiples bracelets–, estiment qu’à peine 1 % des postulants ont une chance d’arriver à vivre à terme du poker.

Pourtant, je sais que de nombreux lecteurs l’envisagent. Il en faut de l’arrogance pour espérer y parvenir malgré des statistiques si défavorables ! Mais combien s’y essaient malgré tout, et rentrent piteusement chez eux en accusant la déveine, le manque de liquidités, ou tout ce qui peut les aider à nier le fait qu’ils ne sont tout simplement pas assez bons?

Pour la plupart, les spécialistes avec qui j’en discute – des joueurs qui ont gagn

AdminL’arrogance, le fléau des bankrolls

Commentaires 1

  1. Benoit

    J’ai une affirmation propre à moi concernant le poker « le poker se joue à la troisième personne ».

    Ca m’aide à mettre au placard mon ego : )

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